Appropriation Culturelle

Pratiquer le néo-chamanisme sans appropriation culturelle : une voie possible

Le chamanisme, dans sa forme traditionnelle, est toujours enraciné dans une culture particulière : une langue, un paysage, des ancêtres, des esprits locaux, une mémoire collective.

Aujourd’hui, dans ce qu’on appelle le « néo-chamanisme », de nombreuses personnes en quête de sens s’inspirent de ces traditions, parfois très éloignées de leur propre culture. Ce mouvement, bien que sincère dans sa recherche spirituelle, soulève une question éthique essentielle : comment ne pas tomber dans l’appropriation culturelle ?

L’appropriation culturelle : de quoi parle-t-on ?

Il ne s’agit pas simplement de s’inspirer d’une autre culture, mais d’en extraire des éléments sacrés (rites, chants, objets, symboles) en les sortant de leur contexte, souvent sans autorisation ni compréhension profonde. Ce geste peut blesser les peuples concernés, vider ces pratiques de leur sens, ou même participer à la marchandisation de leur héritage spirituel.

Par exemple :

  • Porter une coiffe amérindienne en dehors de son contexte rituel ;

  • Utiliser des mots sacrés (comme ayahuasca, inipi, wicáŋ) sans en connaître la signification ou l'origine ;

  • Copier des cérémonies comme la sweat lodge sans avoir reçu l’enseignement des gardiens de la tradition.

Ce genre d’actions ne sont pas simplement maladroites : elles peuvent être vécues comme une forme de pillage spirituel.

Une autre voie : respect, création et ancrage

Il est possible de cheminer dans une voie chamanique contemporaine sans s’approprier les traditions d’autrui. Voici quelques principes qui peuvent nous guider :

  1. Faire preuve d’humilité et de discernement
    Ne pas se prétendre héritier d’une tradition que l’on n’a pas reçue. Apprendre à reconnaître ce qui vient d’ailleurs, et ne pas se l’attribuer.

  2. Honorer les sources sans les imiter
    On peut remercier les peuples qui nous inspirent, lire leurs témoignages, soutenir leurs luttes, mais sans copier leurs pratiques. L’inspiration n’est pas l’appropriation.

  3. Créer des rituels à partir de notre propre culture
    Nous avons tous des racines. Même si notre lignée semble « déconnectée », nous pouvons retrouver des gestes anciens, des chansons, des mythes, des saints ou des symboles issus de notre terre, de notre famille, de notre histoire. C’est là que peut naître un chamanisme vivant et sincère, sans imitation.

  4. Écouter les esprits et la nature ici, maintenant
    Le chamanisme est, avant tout, une relation vivante avec l’invisible, la Terre, et les alliés du monde subtil. Ces relations ne demandent pas forcément de passer par les formes codées d’autres cultures. Elles demandent de l’attention, du silence, et du respect.

  5. Donner plus que l’on ne prend
    Avant d’utiliser un chant, un objet ou un mot sacré, posons-nous la question : qui cela sert-il ? Moi, ou quelque chose de plus grand ? Et comment puis-je redonner – symboliquement ou concrètement – à la culture dont cela vient ?

  6. Faire alliance avec d’autres chercheurs sincères
    Se réunir en cercles non pour recréer artificiellement les rituels d’un peuple disparu, mais pour expérimenter, en conscience, des formes nouvelles enracinées dans la présence, l’écoute et l’éthique.

Conclusion : vers un chamanisme de relation, et non d’imitation

Le néo-chamanisme n’a pas besoin d’être une copie des traditions autochtones. Il peut devenir un espace de guérison, de beauté et de transformation, à condition d’être vécu avec respect, créativité, et ancrage. Ce que les traditions chamaniques nous enseignent, ce n’est pas de les copier, mais d’entrer en relation avec le vivant et l’invisible, là où nous sommes.

Créer un chamanisme contemporain, c’est oser inventer avec humilité, plutôt que d’imiter avec ignorance. C’est retrouver une voix plutôt qu’emprunter une forme.